George Steiner
CEUX QUI BRULENT LES LIVRES
Paris, L’Herne, 2008, 83 p., 9,50 €
« Ceux qui brûlent les livres, qui bannissent et tuent les poètes savent exactement ce qu’ils font ». Telle est la première phrase de ce mince ouvrage, d’un universitaire américain.
Le pouvoir des livres est considérable. Un livre peut, en même temps, exalter, rebuter, magnifier, appeler à la vertu ou à la barbarie : nul ne peut prévoir quelle sera la force d’un livre sur ses lecteurs. C’est pourquoi bien des pouvoirs ont, au cours de l’histoire, pratiqué la censure, brûlé, exilé, écrivains, poètes, penseurs, philosophes.
Or, le livre est « notre mot de passe » pour faire de nous ce que nous sommes. La découverte, parfois fortuite, d’une œuvre que nous nous approprions peut changer le sens de notre vie. Citons l’exemple du « Peuple du Livre » : l’A. explique pourquoi, pour un Juif, la patrie n’est pas un « bout de terre » : la vraie patrie, c’est, et ce sera, toujours un texte. Le plus sacré des commandements n’est pas : « Tu loueras le Seigneur ton Dieu, tu aimeras ton prochain », mais « chaque jour, tu étudieras la Torah ».
Cependant, cette conception normative s’oppose à une dynamique, qui permet le questionnement. Ainsi, Platon - paradoxe - rejetait les textes écrits. Ni Socrate, ni Jésus, n’ont écrit une ligne. Et Jésus est précisément un homme de parole et d’action. L’ A. met en évidence que l’écrit est second : la parole - et le chant - sont premiers dans toutes les civilisations. Bien des dangers guettent l’écrit : les lecteurs attentifs se font rares ; on lit n’importe où, dans le bruit. Le livre est supplanté par des techniques qui sont des révolutions bien plus importantes que l’imprimerie de Gutenberg.
De ce livre dense, on retiendra quelques synthèses particulièrement éclairantes : par exemple, le lien qu’il établit entre la pensée juive et saint Paul d’une part, Marx et Lénine de l’autre.
Une longue étude de la censure des livres à travers les siècles, à commencer par ceux de la Bible, pose quantité de questions au sujet de la liberté de croyance et de pensée.
Livre très « serré », très riche, dont la lecture est à conseiller à ceux qui aiment les vastes synthèses.
Paule Baltzinger
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